“Poussez-vous les mecs” : “Les Frustrés” de Claire Bretécher revivent sur scène
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Dans un réjouissant spectacle d’un peu plus d’une heure, Cécile Garcia Fogel puise dans l’œuvre de Claire Bretécher, ses BD, textes et interviews, pour créer une matière à jouer avec sa complice Valérie Dashwood. Les bobos d’hier se retrouvent aujourd’hui pour notre plus grand bonheur.
Des textes percutants

© Philippe Jamet
En 1976, Roland Barthes avait dit d’elle que c’était “la meilleure sociologue de l’année.” Claire Bretécher, née dans une famille bourgeoise de Nantes et que l’éducation catholique a rendu totalement rebelle, fut avant tout la première star féminine de la bande dessinée, écrivant et dessinant sur la société jusqu’à créer les personnages des Frustrés, immortalisés par le Nouvel Observateur. Cécile Garcia Fogel a eu l’excellente idée de théâtraliser ces personnages, sous forme de scènes légères et brèves, dans un décor léger et mobile, qui se mêlent à des extraits d’interviews et à des chansons. Avec Valérie Dashwood, autour d’un canapé orange, dans un espace cosy où roulent de gros ballons de gyms et des tapis de yoga, les deux comédiennes s’amusent à incarner les intellectuelles parisiennes, militantes de gauche où partageant la lutte des femmes pour l’avortement, journalistes ou avocates partageant des causes justes dans un monde dominé par les hommes. D’ailleurs, les rares hommes qui s’expriment le font par l’intermédiaire d’une piste sonore : on ne les voit jamais, car ils prennent trop de place.
Actrices formidables

© Philippe Jamet
Dans les années 70, le terme “bobo” n’était pas encore employé aussi souvent qu’aujourd’hui, mais les frustrés d’hier, soixante-huitards snobinards, névrosés pathétiques, râleurs éternels, se retrouvent aujourd’hui plus vrais que nature. Car les deux comédiennes, sans en faire des tonnes, avec simplement leur talent, leur humour et leur finesse, parviennent à faire revivre avec beaucoup de causticité ces situations dessinées au scalpel. Jamais morale, jamais méchante, Brétécher croque ses personnages en les aimant, puisque ce sont les doubles de l’auteur. Miroir de l’époque, ces quadragénaires obsédées par leur cellulite, qui se plaignent de trop travailler aux Baléares, n’en peuvent plus des tromperies de leur mari, dévorent les horoscopes et les petites annonces de Marie-Claire, sont d’une drôlerie épatante. Et nous les regardons aujourd’hui pérorer, avec un ridicule attendrissant, autour d’un piquet de grève, sur une plage de Belle-Ile ou dans un manifestation pour le MLF. La tendresse, la complicité amusée et l’auto-dérision de l’auteur pour ces “frustrées”, nous les partageons aussi face à ces scènes cocasses et drôles, qui sont parfois agrémentées de chansons, l’hymne du MLF, le Voleur de joie d’Anna Prucnal ou La Femme libérée. Sans caricature, le spectacle est un vrai bonheur qui évite la caricature et constitue un très bel hommage, malicieux, à une grande artiste.
Hélène Kuttner
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